Olivier vient de me tirer de mes rêves pour le relever et prendre mon ¼ de nuit.
Encore ensuquée, je me retrouve sur le pont par une belle nuit étoilée en route pour les Marquises. C’est l’occasion rêvée de vous écrire plus longuement… tout est calme autour de moi… Enfin, mis à part le bateau qui craque, les vagues qui tapent et le vent qui rugit… Tout est calme.
1 novembre 2015
4 ans presque jour pour jour depuis notre premier grand départ de France, de Canet en Roussillon ( le 11 novembre 2011), nous traçons la route vers les Marquises. C’est parti pour la grande traversée, 3 semaines, ou 4,ou 5… de navigation. Je me demande comment seront ces jours en mer pour nous tous.
Pour Camille ça commence par un bon mal de mer. Le pauvre, il est vraiment pas bien mais il le prend avec beaucoup de philosophie et refuse les médicaments. Épuisé, il s’allonge mais les spasmes le gardent éveillé.
Début de soirée, je n’y tiens plus de voir Camille si mal et je lui donne un anti mal de mer. Deux heures plus tard, le cachet à l’air de faire effet. Camille peut à nouveau boire, s’alimenter et dormir enfin.
4 novembre
Nous avançons bien, ça fait plaisir. La mer n’est pas trop forte, même si ça chahute un peu quand même. Camille joue dans sa cabine et me demande un coup de main pour son mécano. Je descends l’aider mais après ½ heure je commence à être barbouillée.-« Ca va toi Camille ? Tu n’as pas le mal de mer ? »
-« Non » me dit-il,
-« Mais comment fais-tu ? »
-« Mais, c’est parce que j’ai pris un cachet ! »
Magique ce cachet, 3 jours après il fait encore effet. Hé hé hé…
La nuit nous croisons beaucoup de pêcheurs ; enfin … du moins leurs lignes de fond, qu’ils tentent de signaler avec des petites (toutes petites) lumières clignotantes dont ils quadrillent l’océan. La navigation se transforme alors en un parcours de santé et nous zigzaguons « une fois à tribord, puis à bâbord, ah non ! tribord toute !…. » pour rester le plus loin possible de ces zones de pêche. Ça ne nous a pas empêché de nous en prendre une! Eh oui, toutes les lignes ne sont pas éclairées, c’eut été trop facile.. Un boute s’est pris dans la dérive bâbord puis est venu ensuite se coincer dans l’hélice. Heureusement pas dans le safran, car je n’ai aucune envie d’aller me mettre à l’eau, de nuit, pour défaire des nœuds!
Le lendemain matin…
Nous trainons un boute sur bâbord… La mer est trop forte pour que nous puissions intervenir….. Il ne nous reste plus qu’à espérer qu’il ne vienne pas endommager l’hélice ni se prendre dans le safran.
6 novembre
2h du mat. Et voilà qu’à l’horizon apparaissent à nouveau les lueurs des cauchemardesques parties de pêche ! Cette fois il y en a partout !.. Dois-je lofer ? Abattre? Je ne sais pas où me frayer un passage !? 3H du mat, je dois réveiller Olivier pour qu’il m’aide à repérer les lumières des lignes de pêche, la visibilité est mauvaise et les manœuvres délicates. 3H30, Ouf je crois que nous sommes sortis de la zone qui est maintenant derrière nous. Olivier repart se coucher. 4h30 le bateau est soudain freiné et devient un-manœuvrable ! Sur tribord, y’a un drôle de bruit ! J’inspecte le bateau… On s’est pris un dispositif de pèche dérivant (énorme agglomérat de boutes, de flotteurs et de lignes de fond…) sans lumière ni aucun moyen de signalisation !! Je dois à nouveau réveiller Olivier afin qu’il m’aide à couper les gros boutes qui nous bloquent sur l’arrière et traversent d’une coque à l’autre. Quelques coups de machette plus tard, nous nous sommes dégagés du piège, mais l’hélice tribord semble coincée… Il y a une drôle de vibration…. Pas le choix, il faut continuer à avancer… nous devrons regarder ça demain, de jour… Pourvu que rien ne casse…
7 novembre
La mer est bien trop forte (creux de 3-4m) pour pouvoir se mettre à l’eau et vérifier notre hélice tribord qui reste coincée. Nous devrons attendre et garder confiance.
Nos journées et nos nuits sont ainsi rythmées par la mer et le vent. Olivier et moi partageons la veille, donc en gros nous nous voyons aux repas, et le reste du temps nous nous croisons entre deux siestes.
Il y a les nuits calmes durant lesquelles nous pouvons lire, écrire, regarder des films entrecoupés tous les ¼ d’heure d’une veille sur le pont de 15 minutes environ. Et puis il y a les nuits rendues difficiles par des lignes de pêche trop nombreuses, un vent trop violent ou trop capricieux, par une mer déchainée ou par les calamars…
… Comment ça par les calamars ? ! …
Et bien, oui ! Ces calamars qui illuminent la mer telles des guirlandes de noël clignotantes (soit dit en passant l’effet est des plus magique!), ces même calamars donc, ont la fâcheuse habitude de sauter hors de l’eau sur notre passage; par peur j’imagine, pour fuir le prédateur que nous sommes? Et lorsqu’ils sautent ils retombent sur le pont ou nous arrivent dessus pleine balle. Plaf, et un calamar pleine poitrine; plaf et un calamar pleine face ! Ziiip ! Zut je viens de marcher sur un calamar ce qui me vaut une belle glissade dans le cockpit et une séance de nettoyage de l’encre toute noire ! J’ai un peu comme l’impression de participer malgré moi à une partie de paintball nocturne, hélas sans lunettes infra-rouge. Et l’adversaire est de taille et des plus silencieux. Chpaff, dans les cheveux !!! Je vais de ce pas remettre mon bonnet.
Le vent souffle, nous avançons à 9-10 nœuds et nous croisons encore beaucoup de pécheurs donc pas question d’abandonner mon poste de veille.
Ah ! Non ! V’la que les poissons volants s’y mettent aussi!
Au petit matin, nous pouvons constater l’étendue des « dégâts ». Le trampoline a des allures de filet de pêche, le foc ressemble à un terrain de paintball. Sur le pont nous ramassons un plein seau de calamars, qui finiront en friture à la demande générale des moussaillons qui déjà s’en lèchent les babines…
8 novembre
Une semaine de mer, nous avons de la chance, le temps est beau, le vent avec nous, la mer pas trop forte et nous avançons bien. Pour l’instant c’est la traversée rêvée. Même Noé m’a avoué que ce n’était pas comme il l’avait imaginé. Lui s’était imaginé une traversé avec une mauvaise mer, des grosses vagues et un vent fort. Au départ il avait manifesté de l’inquiétude. Les premières nuits il avait du mal a s’endormir, il avait des idées noires. Puis en parlant avec lui, il nous a avoué qu’il ressentait les peurs et angoisses exprimées par les gens à terre qui nous voyaient partir des Galapagos vers le grand large, vers un océan qui leur était inconnu. Les premières nuits il a donc dormi avec nous jusqu’à ce ce qu’un soir rassuré et en paix, il réclame son grand lit pour lui tout seul.
10 novembre
J’ai mal dormi. J’en peux plus des bruits du bateau, le bruit incessant des vagues, du vent, le bateau qui craque et qui bouge, qui bouge qui bouge en permanence… La journée j’ai du mal à rattraper mon sommeil manqué de la nuit et la nuit j’ai du mal à bien dormir avant mon quart. Et quand je dors j’ai l’impression d’être éveillée. Il faut que je fasse du sport pour me fatiguer autrement que par le manque de sommeil ou la fatigue nerveuse du bateau qui bouge en permanence, tape, craque, ronfle et nous ballote. Ce sera bon quand nous arriverons et que nous pourrons passer une nuit au mouillage, sans bruit, sans bouger..
Vendredi 13… ça doit porter bonheur: nous venons enfin de pêcher un poisson et quel poisson! Une sorte de bonite noire de 20kg! Une bête magnifique, taillée pour la course et la chasse. Merci le poisson, merci la mer, nous avons notre stock de protéines pour la semaine. On commençait à se demander comment nous allions faire…


Pour l’instant nous avons tous trouvé notre rythme. Les jours passent, filent et ça deviendrait presque de la routine cette vie de haute mer. L’école le matin malgré les vagues, on a arrêté de pécher, car depuis hier nous avons pris 2 gros thons de 20kg et on ne sait plus ou les mettre. En tout cas nous avons beaucoup de chance avec le temps et le vent !



14 novembre
J’ai trouvé LE sport idéal pour m’aider à retrouver le sommeil…. L’équitation !!!
Rien de tel que de chevaucher la baume fougueuse de Planetocean!
3h de l’après-midi.
Debout depuis 1h du matin, suivit d’une matinée d’école, je m’apprête enfin à aller me coucher. La tête à peine posée sur l’oreiller, Olivier vient me chercher et m’annonce que la grand voile s’est déchirée !
Ah … oui … en effet. Elle est ouverte de part en part tout en haut. On affale sans trainer!

Après inspection des dégâts, ce «n’est qu’une » (grande) couture qui a lâché. Mais pas la plus grande, c’est déjà ça. Changement de programme… adieu mon doux oreiller, cet après-midi je le passerai donc dans le lasy-bag à faire de la couture assise sur la bôme… Je n’ai jamais réparé de voile, mais il y a un début à tout, et surtout y’en a pour de nombreuses heures au vu du travail à faire! Il faut que je m’y mette au plus vite, sinon les Marquises c’est pas avant la mi-décembre à la vitesse à laquelle on va avec seulement la voile d’avant.
15 novembre
« Aujourd’hui pas école ». « Youpii ! » « Eh oui, maman doit aller recoudre la grand-voile ». « Oooohh ?!….. »
J’ai passé la journée dans le lasy-bag, assise en équilibre sur la bôme à recoudre la grand-voile. Demain je devrais avoir fini.. J’espère que les autres coutures tiendront. Dommage que le voilier ne les ai pas reprises lorsque nous lui avons donné la voile à réviser avant de partir !

16 novembre
J’ai mal à tous mes doigts, le pouce gauche en particulier que je ne peux plus utiliser. J’ai mal au dos, j’ai mal au cul, comme si j’avais fait 10h de cheval. Remarquez, c’est un peu ça. Hier j’ai refait une journée de couture en équilibre sur la bôme. Et la mer qui me secoue, me balance et manque de me faire valser à plusieurs reprises…. Heureusement il fait beau, heureusement la mer pourrait être plus forte que ça, heureusement j’ai trouvé la bonne aiguille pour recoudre….. maintenant il faut que cette réparation tienne et les autres coutures aussi.

A midi, au 05. 12′ sud et 126. 43′ ouest : nous venons d’envoyer avec les enfants une bouteille à la mer avec des dessins à l’intérieur et un petit mot en anglais/francais/espagnol.
17 novembre
L’air se réchauffe, le soleil et l’eau aussi. On se rapproche des Marquises, « plus que » 1650 miles….
Le temps est toujours au beau, la houle plus forte mais assez longue pour ne pas trop en souffrir. Parfois nous partons dans de bon surfs avec des pointes de vitesses à 16 nœuds… c’est amusant lorsque nous sommes réveillés, effrayant lorsque nous dormons dans la cabine avant et que nous sentons le bateau s’enfoncer, s’enfoncer, glisser glisser et accélérer, accélérer, accélérer… On a l’impression que ça ne va plus s’arrêter..
Cette nuit, à mon tour de faire une tentative de viennoiseries.. c’est sport avec la chaleur et le beurre qui fond… Ggrrr on va voir ce que ça donne.


MMMmmmm trop trop bon les viennoiseries !
Nous sommes maintenant au beau milieu de l’océan Pacifique (je me demande pourquoi Magellan l’a appelé ainsi… parce qu’il n’a rien de pacifique le bougre..) à plus de 1600 milles de toute côte, îlot ou quelconque rocher.
Galapagos-Marquises 3100 milles (un mille nautique = 1852 mètres) , environ 1 mois de mer, de grand large, de bleu à perte de vue, les escadrilles d’exocets (poissons volants) qui filent en raz motte (ou dirais-je en raz-écume) devant vous, les baleines qui vous saluent dignement d’un battement de nageoire, des dauphins qui viennent jouer dans nos étraves.
3100 milles avec les mouettes nocturnes comme compagnons de nos nuits solitaires (enfin ça c’est seulement les 300 premiers milles et c’est moins attachant que les calamars). Des nuits où l’on file dans le noir un peu comme dans une voiture lancée tous phares éteints sur l’autoroute à 150km à l’heure (200 aurait semblé exagéré, bien que plus proche de la réalité). On fonce droit devant tout en sachant que nous ne sommes pas à l’abris d’un quelconque OFNI (Objet Flottant Non Identifié), barque de pêche sans lumière ou cétacé endormi.
3100 milles entourés d’eau, de ciel, de nuages, mais aussi accompagnés de levés de lune dignes des plus grands films surréalistes, et de couchés de soleil des plus beaux romans d’amour.
C’est une vie au rythme des quarts de veille et des éventuelles siestes, des vagues qui vous chahutent, du vent qui fait ses caprices de star et du bruit incessant! Le bruit de l’eau qui tape, qui file, qui court sur les coques avant de dérouler son ruban d’écume derrière vous.
Ah… mais, la nuit ! La nuit c’est magique. Car même si l’eau devient noire et réveille nos idées toutes aussi noires (cette eau qui nous serait fatale si nous y tombions); cette même eau devient parfois phosphorescente et alors vous voguez sur une voie lactée, comme portés par les étoiles. Et si la chance vous sourit, vous pouvez même voir des dauphins fantasmagoriques nager dans ce plancton qui les fait briller de milles étoiles sous l’eau.
Bon mais il est temps aussi de rompre le pacte du silence des marins. Parce que, ce que les marins ne vous disent jamais, c’est que:
-une trans-pacifique c’est aussi un mois de mer en huit-clos. Un mois sur une embarcation dont on ne peut descendre, qui jamais ne s’arrête. Et là, si vous saturez, pas question d’aller faire une balade en forêt, de rendre visite à des amis, d’aller promener les enfants, le chien etc. Le danger de cette vie en promiscuité, pour moi, c’est de m’y perdre et de m’oublier. M’oublier dans ma vie de couple, de mère et de sans cesses remettre à plus tard mes désirs, mes besoins. Olivier me dit souvent de prendre du temps pour moi, j’essaie, j’y travaille….. Je me remémore cette phrase des Kabat-Zinn: « Une mère doit avoir conscience de ses propres besoins et apprendre à prendre soin d’elle-même. Quand nous sommes nous même équilibrés, nous pouvons avoir conscience de ceux que nous aimons, de nos compagnons de vie, de nos enfants et de leurs besoins sans être obsédés par eux »
–une trans-pacifique, c’est parfois 2, 6, 10, pour les moins chanceux même 20 jours d’affilés durant lesquels la mer vous fait une démonstration de force. Alors nous nous sentons comme de pauvres chaussettes oubliées dans une machine à laver qui ne cesse de tourner. C’est comment dire… exaspérant? Humiliant? Éreintant!
–Une longue traversée, c’est aussi la fatigue des nuits en pointillées et d’un corps fourbu. C’est un étrange équilibre entre un mental, des sens sur le qui-vive et un état de méditation, de pleine conscience nécessaire pour vivre sereinement une situation qui sinon pourrait devenir …. Angoissante ? … Insoutenable?
-La nuit ou dans le gros temps c’est se sentir tellement fragile face aux éléments, c’est avoir peur pour ses enfants. L’Homme qui contrôle, manipule, qui se croit souverain de la nature, de l’univers, n’est alors plus qu’un tout petit être vivant en sursis comme tout le monde. Parfois les cauchemars de vos nuits vous hantent même éveillés, les scenarii catastrophes tournent dans vos têtes.
Olivier : « Alors je me dis que ces frayeurs et psychoses devant les éléments sont finalement très saines et me rappellent simplement que je suis en vie. La vie est dangereuse, on a tendance à nous le faire oublier en adaptant totalement notre environnement à nos désirs. On veut nous faire croire que l’espèce humaine est supérieure à la nature qu’elle doit maitriser pour être en sécurité… Quand j’ai peur en mer, loin de tout (sauvetage, communication… et encore, on a une balise de détresse, un téléphone satellite, une survie…), je me souviens alors aussi que c’est mon choix, et la liberté que je ressens me donne le courage d’affronter les éléments.
Je crois que la liberté de l’âme se paye par la responsabilité des actes. »
Stephanie : « Même si parfois j’espère que je n’en paierai pas le prix fort.
Alors il faut lâcher prise, il faut faire confiance en la vie, en l’amour, il faut vivre pleinement le présent, intensément, à la folie car déjà il n’est que passé.
Le vent forcit, on est à plus de 11 nœuds, le bateau est nerveux alors pour le confort de ceux qui dorment j’abats un peu, cap au 260. Tant pis pour les records de vitesse, je préfère économiser le bateau et les nerfs des passagers. Je préfère arriver saine et sauve aux Marquises. Je reprendrai mon cap plus tard.
…
Le vent et la mer forcissent encore, je reste à la barre… je sens que ça ne va pas être coton…
Tous ces détails ne vous parlent peut-être pas mais ils sont devenus pour moi, pour nous, notre quotidien et des paramètres vitaux. Ils rythment aussi nos journées de navigation car du temps, des vagues, du vent dépendent notre confort à bord et le choix de nos activités plus ou moins divertissantes (écoles, mécanique, entretiens divers, cuisine, ateliers de peinture, de musique, d’électricité, de chimie etc pour les petits et grands..). La nature dicte sa loi et nous fait vivre à son rythme.
Le vent forcit encore, je dois affiner les réglages du bateau (ce qui veut dire en gros, galérer pour réduire les voiles, ces fichus bateaux ne sont pas fait pour les bras de nanas… m’en fou, j’y arrive quand même ! Na!). Un groupe de dauphins vient me rendre visite et … m’apaisent. Une percée dans le ciel dévoile chastement la constellation d’Orion, du grand chien …. mon esprit voyage. La nuit pendant mes quarts, j’ai l’impression d’être dans des rêves éveillée, tout est onirique et pourtant si réel à la fois, les sens à fleur de peau. Soudain une vague m’assène une gifle magistrale, retour à la dure réalité. Face aux éléments je tiens bon, je me bats avec eux pour qu’ils me mènent à bon port, même si ce doit être la peur au ventre. Cela m’apprend la persévérance, moi qui aime tant vivre dans la seule jouissance.
Et les enfants ? me direz-vous. Et bien ils voguent avec nous au gré du vent, absorbés dans leurs jeux, les aventures épiques qu’ils s’inventent (souvent inspirées des lectures de Noé qu’il partage avec passion avec son frère). Alors leur bateau se transforme en une base aérienne, en une fourmilière géante, en une garrigue à la Marcel Pagnol pour y braconner des bartavelles, en une école des sorciers avec ses sorts, potions et êtres bizarres; et le cockpit
souvent devient scène de théâtre, de magie (pour Noé) ou terrain de « Kasteborde » (Skateboard) ou « Skite surf » (Kite surf) pour Camille. Le matin quand le temps le permet ils font l’école, puis après le repas c’est un temps calme chacun dans sa cabine (lecture, dessin, puzzle, écouter ou jouer de la musique, meccano, Lego, sudoku ou mots mêlés, pâte à modeler etc.) L’après-midi ils jouent dans leurs mondes imaginaires ou nous faisons des ateliers manuels en tout genre,
des parties à n’en plus finir de jeux de société, de « Can’t Stop » (merci au bateau H2o pour l’idée), de UNO, des expériences scientifiques ou de simples sessions de lectures durant lesquelles nous leur faisons découvrir de nouveaux auteurs, de nouveaux univers. Bref, pour les enfants c’est la routine, sauf qu’ils ne peuvent pas aller nager, courir à terre ou rencontrer de nouveaux copains ; alors en fin de journée c’est séance muscu, assouplissements et relaxation dans le cockpit.
Aaaarrrhhhh !!!! Le vent me met les nerfs à vif ! Ça monte, ça monte… on est à 11-12 noeuds et on se fait des surfs à 14-16 nœuds !! Alors ça fait un bruit infernal. J’ai l’impression d’être sur le dos d’une bête… un dragon, et si je devais en choisir un, je dirais… tiens, je dirais : L’Affreux-Cauchemard. Ouais !, il me plait bien celui-là.
Mais j’exagère car PlanetOcean dévore la mer comme de rien, d’une stabilité inébranlable, comme sur des rails, il fonce dans la nuit. Je suis fière de mon bateau !
Nous prenons tout de même un ri de plus pour l’économiser, rien ne sert de forcer sur la bête. Pour les novices, prendre un ri ça n’a rien de drôle… Ça veut dire aller réveiller son capitaine (ce qui n’est pas une mince affaire), puis mettre le bateau face au vent, face aux grosses vagues. Je m’attache pour ne pas me faire embarquer par une vague et je vais à l’avant du bateau, au pied du mat, pour réduire la grand-voile. Olivier à la barre tient le cap. J’en prends plein la figure et je winch, je winch pour étarquer la voile. On va dire que c’est ma session sport de ce matin… Je reviens trempée dans le cockpit, Olivier reprend le bon cap.. Le bateau est moins fougueux, le capitaine va se recoucher, je suis trempée, j’ai froid… j’vais me faire un thé.
Parfois je me demande pourquoi on parle de «navigation de plaisance»…
Mais qu’est-ce que je fous là au beau milieu de l’océan ! Mes petits bouts dorment paisiblement dans leur lit douillet alors que dehors, comme suspendue au-dessus des abysses, je subis les humeurs d’une portion démesurément liquide de notre si belle planète. Impossible de faire demi-tour, ou de se dérober, notre délivrance se paye à coup de milles nautiques tracés sur un amas de vagues informes, un enchevêtrement de houles de nord-ouest, de sud-ouest et d’Est avec du vent toujours plus fort.
Mais comme diraient les bouddhistes… (Ben oui il est grand temps d’élevé un peu le niveau de ce texte, non? Si ce n’est de part la qualité du style, du moins sur le plan spirituel…): «La vie est une longue chute, le plus important est de savoir tomber… Apprenez à aimer vos épreuves car ce sont elles qui vous bâtiront; qui donneront toute leur saveur à vos victoires.»
20 Novembre, pendant la nuit.
Enfin une petite pluie pour rincer le pont et laver le cockpit qui étaient vraiment très salés donc très inconfortables. Et puis la lessive y est passée aussi. Faut bien s’occuper…
Ah on se sent comme neuf ! Voilà, le bonheur, le bien-être ne tient qu’à cette petite pluie généreusement tombée du ciel. Ça change des pluies de calmars !
21 Novembre: TERRE!!!!
Au premier coup d’œil lancé au décor saisissant, grandiose, majestueux des montagnes des Marquises, les affres de la traversée sont déjà oubliées!!


On pourra dire que ce fut une belle trans-pacifique et que nous en sommes capables !!
Stéphanie

